« Il faut qu’on parle » : Dialogue et accords de paix au Burundi
Published: 9 Jul 2018
Les dirigeants africains devraient déterminer comment relancer le dialogue sur le Burundi, a déclaré IRRI aujourd’hui, à l’occasion de la sortie de son dernier rapport sur le dialogue et les accords de paix dans le pays. Les conclusions du rapport montrent que malgré leur point de vue critique, de nombreux Burundais appuient la poursuite des pourparlers et accordent beaucoup de valeur aux accords de paix précédents.
Lorsqu’une crise politique a éclaté au Burundi en avril 2015, la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) a mis en place des pourparlers entre le gouvernement et son parti au pouvoir d’une part, et l’opposition politique d’autre part. L’EAC a nommé un médiateur, le président Museveni d’Ouganda, puis un facilitateur, l’ancien président Benjamin Mkapa de Tanzanie. Pourtant, plus de trois ans après le déclenchement de la crise, le dialogue n’a toujours pas donné de résultats concrets, subissant même un recul significatif récemment, lorsque des amendements constitutionnels ont été approuvés via un référendum contesté.
Entre décembre 2017 et mars 2018, IRRI et ses partenaires se sont entretenus avec 106 Burundais vivant dans le pays ou en exil pour savoir comment ils perçoivent les accords de paix précédents et les pourparlers en cours. Les personnes sondées ont critiqué le gouvernement pour son manque d’engagement constructif dans les pourparlers, et le facilitateur, Benjamin Mkapa, pour sa partialité supposée et le manque d’énergie qu’il mettrait à faire avancer les choses. Il est certain que Mkapa a rencontré d’importantes difficultés, notamment pour décider qui devait être autorisé à participer au dialogue. Quant au président Museveni, son implication a été restreinte. Plusieurs personnes ont suggéré que d’autres acteurs – non originaires de la région – devraient prendre le relais.
Si nos interlocuteurs attribuaient aux accords précédents, surtout à l’accord d’Arusha, le mérite d’avoir mis fin à la guerre civile et réduit les tensions ethniques, par contre, ils ne s’accordaient pas sur leur pertinence actuelle. En effet, ceux qui étaient les plus critiques envers le gouvernement accusaient le parti au pouvoir de ne pas l’avoir appliqué et les garants internationaux de ne pas en avoir assuré le suivi. Mais nombre de personnes soutenant le gouvernement en place étaient favorables à la révision des quotas ethniques et aux amendements constitutionnels.
Ces amendements ont été présentés par le gouvernement comme le résultat d’un processus de dialogue interne, mais ce dernier a été critiqué par la majorité de nos interlocuteurs au Burundi car il n’a accueilli que des participants progouvernement, qui ont été incités ou forcés à suggérer les amendements constitutionnels ou à s’en prendre à l’accord d’Arusha. Beaucoup voyaient ce dialogue interne comme une tactique visant à distraire les acteurs internationaux et à maintenir au pouvoir le président Nkurunziza – toutefois ce dernier a créé la surprise en annonçant que son mandat se terminerait en 2020.
Les personnes sondées ont souvent fait la comparaison du contexte du dialogue actuel avec la situation des années 1990, lorsque les États de la région avaient fait pression sur le gouvernement burundais et les groupes armés pour les forcer à participer aux pourparlers, dont la médiation était assurée par des leaders influents. Actuellement, cette pression de la part de la région fait défaut, les partis d’opposition ont beaucoup de mal à démontrer leur importance et les groupes armés ne constituent aucune réelle menace pour ceux qui sont au pouvoir. Par conséquent, peu de contraintes s’exercent sur le gouvernement burundais pour le pousser à faire des concessions.
Sur la question de savoir sur quoi devraient porter les pourparlers, les avis de nos différents interlocuteurs divergeaient. Certains rejetaient le processus, d’autres suggéraient que les pourparlers devraient discuter de la mise en œuvre de l’accord d’Arusha, tandis qu’un troisième groupe souhaitait élargir le champ des débats pour qu’ils mettent l’accent sur les problèmes actuels, tels que le retour des réfugiés et les préparatifs des élections de 2020. Contrairement aux résidents du Burundi, les personnes réfugiées en Ouganda faisaient un lien étroit entre leur situation personnelle et la nécessité que les négociations progressent, notamment en matière de libertés publiques, de justice pour les crimes passés et de sécurité. La plupart rejetaient tout partage du pouvoir comme aboutissement du dialogue et exprimaient leur déception vis-à-vis de leur classe politique et des dirigeants régionaux.
Ce rapport fait partie d’un projet de recherche plus large sur la durabilité des accords de paix et l’efficacité de la médiation internationale.
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